Champignons lignicoles de la forêt de Bannes

< région de Senones, dans les Vosges gréseuses lorraines >    

    Les arbres qui tombent, par sénescence, par maladie ou à la suite de blessures causées par la foudre ou la tempête, sont-ils vraiment morts ? Rien n’est moins sûr, car à tous les niveaux de sa croissance, de sa maturité puis de son déclin, l’arbre abrite la vie et soutien le processus vital d’une manière ample et multiforme. Il contient les innombrables nutriments qu’il a puisés dans le sol pendant son existence et qu’il restitue à son environnement au moment de sa mort.

L’arbre qui contribue tant à la vie de ses voisins buissonnants, de ses hôtes pérennes ou d’un jour, a plusieurs vies. Il offre son habitat et ses niches secrètes aux oiseaux, à l’écureuil, à la chauve-souris,... De nombreux insectes, scolytes, carabiques, charançons, taupins, lucanes,….vivent dans son intimité, sur les feuilles, dans les anfractuosités des troncs, sous les écorces, parmi les lichens et les mousses.

Une place particulière revient à ces mousses et aux champignons qui participent à tous les stades de la décomposition du bois mort, de sa réduction progressive vers l’ultime stade humifère. En disparaissant l’arbre transmet à la terre ses molécules vivantes, ses substances minérales, son carbone, son azote et son phosphore, …tous ces éléments nutritifs et fertiles, qui permettront à de nouveaux végétaux de naitre, de s’alimenter et de croitre.

Dans le secteur des Bannes deux variétés de mousses couvrent les arbres morts, leurs troncs, souches et branches. Il s’agit de l’Hypne cyprès (Hypnum cupressiforme) et du Dicrane en balai (Dicranum scoparium).

Ces mousses abritent elles-mêmes plusieurs variétés de champignons qui se nourrissent des substances présentes dans les bois morts jonchés au sol (chablis, branches, souches,…) ou debout en position de chandelle. Ces champignons, mousses et autres lichens, s’ils sont parfois en symbiose avec l’arbre, jouent essentiellement le rôle de décomposeurs. Ils sont capables de dégrader la lignine et la cellulose du bois en provoquant la pourriture brune et blanche, qui à terme formeront l’humus dont les éléments vitaux seront restitués à la terre.

Ce « recyclage » du bois décomposé, est un phénomène très actif aux Bannes. Il est dû à certains champignons qui jouent un rôle essentiel dans l’écosystème et l’équilibre écologique de ce milieu forestier. Les plus fréquemment observés font partie de la grande famille des polypores, représentée aux Bannes par deux espèces dominantes : l’Amadouvier (Fomes fomentarius) sur les feuillus et l’Unguline marginée (Fomitopsis pinicola) inféodée aux résineux.

D’autres variétés de polypores ont pu être identifiées sur les lieux. En premier lieu, il faut citer le Polypore de couleur variable (Coriolus versicolor) assez commun sur les souches des anciens feuillus. D’autres espèces sont moins courantes, rares ou isolées. Certaines, tels le Polypore balsamique (Ischnoderma benzoinum) sont liées aux conifères, d’autres accusent une préférence pour les feuillus : Ganoderme luisant (Ganoderma lucidum), Polypore brûlé (Bjerkandera adusta), Lenzite du bouleau (Lenzites betulina), Polypore d’hiver (Polyporus brumalis ),…

Aux Bannes, d’autres champignons, bien distincts des polypores, montrent une nette préférence pour les conifères. Ils sont tantôt présents sur les chablis et les branches mortes, Pleurote en oreille (Pleurocybella porrigens), Tricholome décoré (Tricholomopsis decora), Mycène des mousses (Mycenella bryophila), Armillaire couleur de miel (Armillaria mellea), … ou dans le voisinage immédiat des arbres vivants : on se limitera à un seul exemple, celui de la Chanterelle (Craterellus), très commune aux Bannes, sous ses deux formes, tubaeformis et lutescens.  

(Texte et photos : Patrick Willinger)

          Lenzite du bouleau 

 

          Unguline marginée 

 

          Polypore versicolore 

 

          Amadouvier